mardi 16 septembre 2008

L'affaire (4)

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L’inspecteur Lamaison ne savait pas dire pourquoi exactement, mais il éprouvait spontanément de la sympathie pour ce garçon. Parce qu’ils avaient à peu près le même âge ? Parce qu’il était plutôt joli garçon ? Sans doute un peu de tout ça. Mais aussi une réelle empathie au regard de ce que ce mec était en train de vivre… Trouver sa femme assassinée, de façon sauvage en plus, en rentrant chez soi… Brrr… Il en avait des frissons dans tout le corps…
Il l’installe dans un bureau inoccupé cette nuit, et entreprend d’enregistrer sa déposition. C’est au moment de préciser les horaires que les choses se corsent…

- Vous êtes arrivé par le TGV de 19 heures 15. C’est ça ?
- Ou…ui, Oui, c’est ça.
- Il partait de Nantes à quelle heure ?
- 15 heures… Non, excusez-moi… 17 heures…
- Vous êtes partis de Nantes à 15 heures, ou à 17 heures ?…
- Je sais plus…
- Je vous en prie… Essayez de vous souvenir… A 17 heures ?
- Oui… Non… Non. Je suis parti de Nantes à 15 heures. Un collègue m’a déposé à la gare en partant.
- Vous n’êtes donc pas arrivé à Paris à 19 heures 15 !
- Non… Non… C’était un petit peu avant je crois…
- Mais ce train là arrive vers 17 heures, 17 heures 15 ! Ce n’est pas la même chose !
- Oui, c’est ça, 17 heures 10 je crois. Excusez-moi…
- Mais pourquoi avez-vous dit être arrivé à 19 heures 15 ?
- Je ne sais plus… J’avais dit à ma femme que j’arriverais par ce TGV là… Alors… Tout s’est mélangé. Vous croyez que mon souci ce sont les horaires des TGV ?
- Monsieur Vanneaux… C’est grave ! Il s’agit d’une déposition au sujet d’un meurtre ! Chaque détail peut avoir de l’importance. Je vous en prie, faites un effort !
- Pardonnez-moi… J’ai du mal à rassembler mes idées… Oui, vous avez raison. Il faut tout faire pour retrouver l’assassin… Ne rien négliger… Rien…

Nicolas Vanneaux s’est de nouveau effondré, en larmes… Lamaison patiente, le laisse se calmer un peu…

- Pourquoi avez-vous pris ce TGV là ?
- Nous avions terminé le démontage du chapiteau plus tôt que prévu. Un collègue repartait chez lui et pouvait me déposer à la gare. J’en ai profité, et j’ai pu attraper le TGV de 15 heures.
- Alors, pourquoi n’êtes-vous pas rentré aussitôt chez vous ?

Question à ne pas poser… Le mec se fiche de nouveau à chialer… Il hoquette… A du mal à se maîtriser…

- Putain, si j’étais rentré, tout ça ne serait pas arrivé ! J’aurais été là pour la protéger ! C’est de ma faute ! Putain !
- Avec des « si », monsieur Vanneaux, avec des « si »… En rentrant directement, vous seriez arrivé à peu près à l’heure du crime… Peut-être auriez-vous été tué vous aussi… Mais vous n’êtes pas rentré chez vous. Pourquoi ?
- Ma femme m’avait dit qu’elle sortirait l’après-midi. Je n’avais pas envie de me retrouver seul à la maison… J’ai traîné en attendant l’heure normale…
- Vous avez traîné ? Dans les rues ?
- Non, non, j’étais assez chargé. J’ai traversé le pont l’Austerlitz à pied, et je me suis installé au « Train Bleu », boire un verre.
- Vous y êtes resté ?
- Oui, j’en ai profité pour me reposer…
- Quelqu’un vous a vu, peut témoigner ?
- Témoigner ? Mais je n’ai quand même pas besoin d’alibi, si ?
- Simples contrôle de routine monsieur Vanneaux… Vous l’avez dit vous-même. Chaque détail peut avoir son importance…
- Je ne sais pas… Le garçon ? Je lui ai commandé plusieurs fois des consommations…
- Ce devrait être facile à vérifier…


Quand Lamaison a fini d’enregistrer la déposition il propose au jeune homme de téléphoner pour joindre un membre de sa famille. Il est tard, mais Nicolas appelle quand même son frère. Et celui-ci arrive aussitôt. Le temps de descendre de Paris.
Pendant qu’ils attendent, Lamaison entend que les collègues d’Orléans arrivent. Il voit qu’Henri et le Patron les accueillent et s’enferment dans un bureau avec l’ex mari. B.A.BA. Les deux «témoins privilégiés » ne doivent pas se rencontrer…
Lorsque monsieur Olivier Vanneaux se présente, Lamaison laisse le frère expliquer le drame. Lui, reste toute ouïe… Attentif à la version que le témoin n°1 présente… A tout hasard… L’aîné brusquement réagit :

- Mais Al ! Il faut prévenir Al ! Il a été prévenu ?
- Il est toujours à Mimizan avec les enfants. Les policiers lui ont téléphoné je crois…

Lamaison éprouve un brusque et violent frisson… « Et le frère connaît suffisamment l’ex mari pour l’appeler par son diminutif… Ils se connaissent tous sur ce coup… Pas bon, ça… Il juge judicieux de rectifier… Histoire de voir la réaction des deux frères…

- Pas exactement… En fait monsieur Bergonses n’était pas à Mimizan mais à Paris et à Orléans… Dans l’immédiat, il est dans nos locaux, entendu par une autre équipe…
- Al « entendu » par les policiers ? Qu’est-ce que ça veut dire ça ? Vous ne soupçonnez quand même pas … ? C’est une hérésie ! Albert se serait fait couper en morceaux pour défendre sa femme ! Ce n’est pas possible ! Il faut que je lui parle !
- Désolé, personne ne peut le voir dans l’immédiat. Mais mon-sieur Bergonses pour le moment n’est entendu que comme témoin. Nous vérifions les agendas, simplement…
- Et les enfants ? (Brusquement le jeune Nicolas semble revenir à la réalité) Les enfants ? Qui s’en occupe ?
- Ils sont toujours à Mimizan, sous le contrôle d’un certain mon-sieur Michedon…
- Dominique est là-bas seul avec les enfants ? Il faut faire quelque chose !

Ce grand frère a visiblement l’habitude de prendre les choses en main. Il serait manageur que ça n’étonnerait pas l’inspecteur. Mais celui-ci préfère garder la main…

- Nous allons nous en occuper… Les services sociaux seront prévenus si monsieur Bergonses a un empêchement…
- Les services sociaux ? Il n’en est pas question ! Malheureusement ma femme n’est pas rentrée de son stage d’orchestre. Mais dès demain je vais joindre Sophie, la sœur de monsieur Bergonses. J’espère qu’elle pourra descendre pour aider Dominique.

Il se tourne vers son frère :

- Toi, tu vas avoir d’autres choses à penser dans l’immédiat. Il vaut mieux que les enfants restent là-bas quelque temps…

Puis de nouveau vers l’inspecteur :

- Je ne peux vraiment pas parler quelques petites minutes à monsieur Bergonses ? … … Bien. Vous lui direz que je suis au courant. Je m’occupe de prévenir son avocat et sa sœur dès demain matin. Je vous téléphonerai également pour savoir ce qu’il en est… Bon, pour mon frère, il va loger chez moi quelques temps. Je ne veux pas qu’il reste seul. Vous n’avez plus besoin de lui ? Parce que là… Je ne voudrais pas trop tarder…

On appelle ça prendre la direction des opérations, ou alors l’inspecteur y perd son latin… Bon, si ça lui fait plaisir… Le policier est crevé, et il doit encore attendre que le Patron en ait fini avec l’ex mari… Il les laisse donc partir tous les deux avec un certain soulagement…

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