lundi 9 février 2009

Chap XV Courrier en prison






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Pour Albert, la priorité est d’affirmer qu’il existe encore en manifestant sa présence auprès de ses proches. Ils doivent savoir qu’il accepte son incarcération contraint et forcé, mais qu’il ne baisse pas les bras. Comme toujours, il doit se montrer fort. Solide. Pour rassurer ceux qui l’aiment, bien sûr, mais surtout pour lui. Pour donner un sens à ces choses et ne pas se laisser dépasser par elles. Comme il aime tant à le dire, il veut pouvoir se regarder dans la glace en se rasant le matin. En se rasant… Quoi que… Il a décidé de ne pas utiliser un rasoir tant qu’il serait entre ces murs. Comme ça. Pour affirmer que cela ne peut pas durer. Et pour visualiser le temps passé.
A l’encontre de toutes les lois et de tous les règlements Maître Sorino accepte de servir de messager. Il est sincèrement et profondément choqué par le fait que la magistrate ait décidé de faire passer tout le courrier, entrant et sortant, par ses bureaux. Comme si le détenu était une menace pour la société. Il assume les risques de sa prise de position.
Il a toutefois demandé à son client d’écrire normalement par les voies règlementaires, indépendamment des courriers que lui-même remettra aux destinataires. Al va donc s’employer à rédiger en premier les courtes missives qu’il devra remettre à son conseil dès le lendemain au « parloir avocat », puis les courriers plus officiels qui transiteront par le bureau de la juge. Jusqu’à l’extinction des feux, il reste courbé sur les feuilles rayées, vaguement jaunies, du mauvais bloc correspondance qu’il a pu obtenir de l’administration.


« Mes enfants chéris, mes trésors,

Vous savez maintenant tout du drame qui s’est abattu sur nous de façon tellement incompréhensible. Notre avocat, Maître Sorino, qui doit vous remettre cette lettre pourra si besoin répondre aux ques-tions que vous vous posez encore.

Vous êtes grands, et je sais que vous vous montrerez forts. Vous savez bien que votre Maman tenait par-dessus tout à ce que nous vous disions toujours la vérité. Aussi difficile soit-elle. Elle nous a été enlevée par un ou une criminelle pour des raisons inexplicables. Parce que le hasard et mon métier m’a fait remonter sur Paris justement ce jour là, la justice, sans le moindre début de preuve a décidé de me soupçonner et de me mettre en prison en attendant d’en savoir plus. Ainsi, elle a fait le choix de vous priver de ma tendresse au moment où vous en avez le plus besoin. C’est injuste. Mais nous devons respecter les décisions des représentants de la loi et nous montrer forts et confiants. La vérité sera vite connue. J’en suis sûr. Et en vous montrant forts et courageux tous les trois, vous m’aiderez, moi, à être fort aussi pour pouvoir me défendre.
Toi, Nadège, tu es une grande fille et je sais que tu vas vouloir te montrer courageuse pour aider tes petits frères. Mais je veux te dire que tu as AUSSI le droit d’être malheureuse et triste et le droit de pleurer. Tata Sophie te donnera j’en suis sûr toute la tendresse et les câlins que je voudrais pouvoir te donner dans ces moments si difficiles. Tu sais, moi aussi je pleure souvent depuis le drame.
Vous, mes garçons chéris, Cyril et Jérôme, je veux vous dire aussi combien je vous aime, combien je suis malheureux d’être loin de vous. Je sais bien qu’à dix ans on ne passe pas sa vie à pleurer, même après un grand malheur. Et vous ne devez pas avoir honte d’avoir envie de jouer. C’est la vie. Juste, je vous demande de ne pas faire trop de difficultés ni à votre sœur, ni à Dominique et Tata Sophie. Eux aussi ont beaucoup de chagrin, vous le savez bien.

Mes petits trésors, vous savez combien je vous aime. Je vais vous écrire une lettre qui vous parviendra par le courrier normal. Cela peut être un peu long, vous la recevrez dans quelques jours.

Je vous adore mes amours, et je rêve du moment où je pourrai vous serrer sur mon cœur. Votre Papa, si malheureux d’être loin de vous,
Papa. »




« Domi, mon amour,

Comment aurions-nous pu seulement imaginer cette situation lorsque je t’ai serré dans mes bras il y a quelques jours avant de monter dans le taxi ? Par pudeur et refus d’un exhibitionnisme que j’imaginais mal venu, je me suis alors retenu de t’embrasser avec passion. Combien je le regrette aujourd’hui ! Je ne cesse d’y penser.
Je t’aime. De plus en plus, de plus en plus passionnément. Même si à cet instant mon esprit est rempli, envahi, tu le comprendras, par les pensées vers Suzy.
Comment un tel drame a-t-il pu se produire ? Comment une telle haine, car il s’agit bien de haine, j’en suis convaincu, a-t-elle pu s’approcher de cette femme qui a toujours été la bonté incarnée ?
Mais je ne t’écris pas pour te parler de ma douleur. Je sais par Maître Sorino qui accepte d’être mon messager, qu’aucun de vous, et toi encore plus fortement que les autres, n’avez douté le moindre instant de mon innocence. Dans cet ignoble carnage, nous sommes tous des victimes. Nicolas aussi, encore plus que nous tous. Il doit être si seul.

Si tu savais combien je me réjouis de la longue discussion que nous avons eue à ton retour ! Encore une fois la preuve est faite que franchise et transparence entre deux êtres qui s’aiment est la seule attitude possible. Je frémis, à l’idée que sinon tu aurais pu apprendre par des suintements de l’enquête ce qui s’était passé entre Suzy et moi en ton absence.
Je suis suffisamment malheureux de notre intimité dévoilée par la découverte de mon journal secret. Cela t’a valu d’être importuné par les enquêteurs, et ce n’est sans doute pas fini. Mais là, aucune hypocrisie ni aucun mensonge. Une cachotterie puérile dont j’étais loin de soupçonner les conséquences à venir ! Je me préparais juste à te faire une surprise en rédigeant pour nos un an « le roman de notre vie ».
Un peu loupé comme surprise. Combien je m’en veux !

Je cherche obsessionnellement une explication à ce drame. Les policiers ont immédiatement écarté la piste d’un rôdeur, et je partage leur avis. Nicolas a heureusement vu ses alibis confirmés de façon indiscutable. Les autres familiers ont été également innocentés. Oui, je partage toutes ces analyses. Je partage moins les conclusions qu’ils en ont tiré !
Tu le sais, ou Maître Sorino te l’expliquera, une mise en scène macabre entoure le meurtre. Je suis à peu près certain que c’est là que l’on doit rechercher la clé du mobile. Et je tourne en rond, je tourne en rond… Pour autant que ma cellule me le permette.
Les mutilations faites à la poitrine de Suzy sont d’évidence en rapport avec la découverte de son cancer. Mais si peu de personnes étaient au courant ! Toi, moi. Pas Nicolas à qui elle comptait en parler à son retour, après la biopsie. Le personnel médical est à écarter. A priori.
Je cherche. Et bute contre un mur dans quelque direction que je me tourne.


Je voulais te dire aussi que je te confie mes enfants. Dans ces circonstances, c’est à toi seul qu’ils peuvent se raccrocher. Parce qu’ils savent l’amour que nous nous portons, et la profonde tendresse que nous avions pour leur mère.
Ma sœur, bien sûr, doit également se démener comme un beau diable. Je la connais, elle doit même bien souvent être envahissante. Ne t’en formalise pas. Elle est ainsi. Le cœur sur la main, mais toujours le besoin de se mettre en première ligne. Et puis, vous n’êtes pas trop de deux pour panser les âmes de mes petits chéris. Redis-leur combien je les aime.
Je leur écris une autre lettre, en la faisant passer par le circuit légal. Afin de n’éveiller aucun soupçon. Je leur explique que le courrier risque d’arriver un peu plus tard. Il te faudra peut-être les faire patienter…

Je t’aime, je t’aime. Et c’est ce qui me fait tenir.
Al. »




« Sœurette,

Merci pour tout. Pour avoir répondu immédiatement à l’appel à l’aide lancé par l’intermédiaire d’Olivier. Pour avoir annulé toutes tes obligations pour venir soutenir Dominique dans sa prise en charge de mes enfants.
Aussi, pour n’avoir à aucun moment douté de mon innocence. Et ce, malgré tes profondes réticences pour le mode de vie qui est le mien. Je ne dis pas le mode de vie que j’ai choisi. Simplement celui que la vie m’impose. Dans cette cohabitation subie et imprévue en mon absence, je suis convaincu que ton objectivité te permettra de découvrir combien mon jeune compagnon, Dominique, est excep-tionnel et plein de qualités. Combien nous nous aimons. Combien les enfants l’aiment et le respectent.
Ce que nous vivons est incompréhensible. Cette situation grotesque et catastrophique ne peut pas durer. Mais en attendant, heureusement que tu es là.
Téléphone à Maman pour lui dire combien je l’aime et combien je pense à elle. Qu’elle ait confiance. La vérité ne peut tarder.
Je suis soulagé que Papa ne soit pas en mesure de réaliser ce qui se passe. Il aimait tellement Suzy. Il n’aurait pas supporté ce qui arrive. Et mon incarcération, même en étant convaincu de mon innocence, aurait été pour lui une honte insoutenable.
La vie le veut ainsi. Les choses, finalement, ont peut-être un sens ?

Je ne t’écris pas plus longuement pour le moment : je voudrais consacrer un bon bout de temps à rédiger une belle lettre pour les enfants.

Ton petit frère t’embrasse tendrement, tu seras toujours pour lui, contre toutes les évidences, sa « petite sœurette ».

A bientôt. Je te tiendrai au courant de la situation.
Al. »





Le temps manque à Al. Il tient à faire le premier courrier pour les enfants. Il compte mettre tout son talent pour que la lecture de la missive noue les tripes de la magistrate. Elle veut lire ? Au moins qu’elle soit servie.
Il doit absolument déposer plus d’une lettre. Rapidement, il rédige un billet pour ses beaux-parents.



« Chers Papé et Mamé,

Je souffre encore plus de ne pouvoir être auprès de vous dans le deuil qui nous frappe. Malgré nos petits désaccords, je sais bien que vous aimeriez que je sois auprès de vous dans ces épreuves.
Une injustice incompréhensible vous a arraché celle qui comptait le plus au monde pour vous, et la justice des hommes vous empêche de vous appuyer sur ceux qui partageaient votre amour pour Suzy. Cela ne durera pas. Cela ne peut durer. Nous devons garder con-fiance.
Et surtout, surtout, pensez aux enfants. Ils vont tellement avoir besoin de vous, de votre soutien. Je sais qu’ils comptent également énormément pour vous deux. Ils sont la chair de votre enfant chérie.

Notre avocat a dû vous faire savoir que je souhaitais retarder autant que possible les obsèques, car bien entendu je voudrais être auprès de vous et des enfants dans ces instants douloureux. Malheureusement, pour cela il ne faut pas précipiter la remise du corps à la famille, et pendant ces longs jours, ceci vous prive de la possibilité de vous recueillir sereinement. Je le sais, et j’en souffre également pour vous.
Pourtant, je vous supplie de ne faire aucune démarche qui précipiterait les procédures.
Mon incarcération incompréhensible ne peut se prolonger indéfini-ment. Mon avocat va déposer une demande de libération conditionnelle, et nous avons bon espoir. Par ailleurs, la police ne néglige rien dans cette enquête difficile et la vérité ne pourra pas rester masquée très longtemps. J’en suis sûr.

Suzy avait dû vous dire combien nos vacances ensemble à Mimizan avec les enfants et son compagnon avaient été merveilleuses de bonheur et de simplicité. Les petits finissaient le séjour avec Dominique et moi, et rien, absolument rien ne permettait de prévoir ce drame.
J’ai demandé à ma sœur Sophie d’aller porter renfort à Domi pour que Nadège et les jumeaux puissent rester dans les Landes. Ils sont bien entendu très affectés par leur chagrin et par mon absence, et je crois préférable qu’ils restent pour le moment éloignés de toute cette agitation.
Si vous le souhaitez et en ressentez le besoin, vous pourrez, sans aucune difficulté, aller passer quelques jours auprès d’eux. Vous connaissez la maison. Dominique et Sophie seront heureux de vous y accueillir.

Enfin, simplement, un maladroit merci pour vos déclarations à la police où vous avez affirmé sans équivoque que vous me gardiez toute votre confiance. Vous savez combien j’ai aimé votre fille. Combien je l’aimais encore. Hélas, cela n’a pas suffi à écarter les soupçons qui pèsent sur moi. Seule la vérité pourra totalement me disculper.

Dans l’attente de pouvoir vous serrer dans mes bras, je vous embrasse affectueusement, et vous redit toute ma tendresse.
Votre gendre,
Al. »







« Mes chéris,

Juste un petit mot pour vous dire qu’il n’y a pas une minute, pas une seconde où je ne pense pas à vous. Et à votre maman. Les monstrueuses circonstances qui nous tiennent éloignés, ne peuvent pas durer très longtemps. Bientôt, j’en suis certain, je pourrai de nouveau vous serrer dans mes bras. Je vous aime, tous les trois, mon cœur explose en pensant à vous… J’espère, non, je sais, que dans ces circonstances vous vous montrez courageux et que vous faites tout votre possible pour faciliter la tâche de Dominique et de Tata Sophie. Embrassez-les pour moi.
Pour le moment, il est préférable que vous restiez dans les Landes. Au moins jusqu’à la rentrée scolaire. D’ici là, bien des choses peu-vent se passer, et je veux croire, encore, que nous serons alors réunis. Maître Sorino va, très prochainement, déposer une demande de libération provisoire. Peut-être cette fois serons-nous écoutés ?
Mais par ce courrier, je veux surtout vous envoyer une petite histoire. Comme celles que je vous racontais souvent, lorsque le soir, nous nous installions sur la terrasse ou sous les pins, avant que vous alliez vous coucher. Vous vous souvenez ? Les Jumeaux des Pinèdes !



Les jumeaux des pinèdes ont la grosse tête…


Vous vous souvenez je suppose que les jumeaux, qui vivent depuis trois cents ans, ont gardé la même façon de s’habiller depuis leur naissance. Le jour où un violent orage avait dévasté toute la forêt jusqu’à l’océan, et où la foudre avait dans un fracas effroyable fendu en deux, dans le sens de la hauteur un magnifique pin maritime multi centenaire. Et là, au cœur de l’arbre, dans le secret de son tronc gigantesque (quatre hommes adultes pouvaient difficilement en faire le tour en se tenant par la main !), deux petites graines venues d’on ne sait où, avaient fait leur nid depuis des décennies… En silence. Secrètement… Et la foudre venait, en un éclair, de les projeter dans la lumière. Les jumeaux des Pinèdes étaient nés.
Je dis juste ça pour vous le remettre en mémoire !
Ils étaient bien entendu nus comme des vers… Et ils n’avaient pas de Maman pour leur tricoter de jolies brassières ! Heureusement, ils savaient déjà marcher, et ils se sont mis à courir dans tous les sens pour trouver de quoi protéger leur nudité et leur petit ventre rond… Avec des fleurs de fougères ils ont tissé de belles petites jupettes, pratiques parce qu’elles ne les serraient pas comme l’aurait fait un pantalon, et ainsi ils pouvaient mieux courir… Avec des aiguilles de pins savamment entrelacées et lissées, ils ont confectionné des sandalettes. Mais ils étaient ennuyés et se sentaient encore nus : ils n’avaient encore rien pour protéger leur tête… C’est alors que dans un coin de la forêt, ils ont retrouvé des jumelles qui avaient été oubliées par les glaneuses qui viennent à la nuit tombée cueillir le petit bois pour allumer leur feu… Mais si, vous savez bien, les jumelles, ces petites tranches de pin, de quinze à trente centimètres, moitié écorce, moitié bois, formées par les outils des résiniers lorsqu’ils entaillent les arbres pour récolter la sève. Lorsqu’ils forment les carres. Ces petites jumelles, bien sèches, ne collaient plus et avaient pris une belle forme arrondie. En entrelaçant de fines ramures de genêt, ils réalisèrent un magnifique chapeau pointu du meilleur effet. Les jumelles de devant étaient assez longues pour que, en baissant juste un peu la tête, tout leur visage soit caché, tout en pouvant observer tranquillement tout ce qui se passait au travers des interstices.
Mais vous savez tout ça par cœur…

Hé bien, figurez-vous, que dernièrement, leurs chapeaux étaient tout usés et tombaient en capilotade… Il fallait faire quelque chose, très vite. Ils ne pouvaient surtout pas prendre le risque de se retrouver tête nue… Que diraient les habitants de la forêt ? Du hérisson au cerf en passant par le sanglier, tous allaient se moquer d’eux ! Et puis, je ne sais plus si je vous l’ai déjà dit ? Le secret de leur pouvoir magique est dans le chapeau ! Plus de chapeau, plus de pouvoir magique !
Ils auraient beau dire sur tous les tons :


Cigalon, Cigala,
Si tu es un méchant, là,
Cesse d’être un méchant, là,
Cigala, Cigalon
Et puisque nous le voulons,
Retourne au pays des méchants, au fond !


Le méchant serait toujours bel et bien là ! Ou bien :



Cigalon, Cigala,
Si tu es un bouteille abandonnée là
Cesse d’être abandonnée là,
Cigala, Cigalon
Retourne dans la voiture, allons,
Des méchants qui t’ont jetée sans raison !


La bouteille ne bougerait pas de place ! Et très vite la forêt deviendrait impraticable, avec tout ce qu’abandonnent les promeneurs négligents.
Ils devaient faire vite. Très vite.
Seulement voila. Il n’y a plus de résiniers. Plus personne ne fait des piques dans les pins avec le hapchot… Les Jumeaux des pinèdes ne trouvaient pas de jumelles de pins… Ils commençaient à être sérieusement inquiets !...
Et puis, comme toujours l’idée leur est venue en même temps.. .Et d’une seule et belle et forte voix, ils ont entonné :


Cigalon, Cigala,
Si dans un coin de la forêt, ici ou là
il reste encore des résiniers, ici ou là
Cigala, Cigalon
Qu’ils cessent de se cacher sans raison,
Mère foudre conduit-nous auprès des gemmeurs, allons…


Le ciel était pourtant magnifiquement bleu et limpide… Mais il y eut un craquement effroyable, et un gigantesque éclair est venu frapper le sol aux pieds des Jumeaux… ceux-ci se sont élevés dans les airs, ont virevolté, plané, volé, portés par une douce brise complice. Et ils se sont posés… Vous savez où ?...
Dans le Sentier du Résinier, à Sanguinet ! Là où, pendant la belle saison, on montre aux touristes comment, autrefois, les hommes savaient utiliser la nature et la respectaient. Et elle le leur rendait bien…
Voici donc nos petits jumeaux qui se précipitent pour récupérer des jumelles… Las… Les techniques ont évolué, et ce ne sont que de toutes petites brindilles de quelques minuscules centimètres que les gemmeurs arrachent des arbres !

- Regarde, elles sont toutes petites, remarque Cigalon,
- Mais non, elles sont normales ! C’est toi qui as pris la grosse tête depuis la dernière fois, rétorque Cigala…
- Dis tout de suite que je suis prétentieux, j’insurge Cigalon !
- Mais non, tu es tête en l’air, s’esclaffe Cigala… Alors elle gonfle en se remplissant de vide !
- Qu’allons-nous faire se désole Cigalon ?
- Déjà ce sont de vrais jumelles, et c’est important, le rassure Cigala…
- Oui, mais alors ?
- Alors…


Cigalon, Cigala,
Oh gentilles brindilles si petites, là
Cessez d’être ainsi petites, petites, là
Cigala, Cigalon,
Ensemble unissez-vous, allons,
De belles jumelles ici nous retrouvons…


Et vous avez compris… En moins de temps qu’il n’en faut à une grande fille et deux petits lascars pour mettre le couvert, les Jumeaux purent se confectionner de magnifiques chapeaux pointus aux pouvoirs magiques magnifiquement neufs.
(Les chapeaux étaient neufs… Mais les pouvoirs aussi… Je vous raconterai une autre fois…)

Mes chéris, je vous fais mille et un baisers… Le un, c’est pour que vous vous disputiez pour savoir qui l’aura… Je vous aime. Bientôt je serai auprès de vous.
Votre père, qui a son gros cœur tout serré.

Albert. »





La juge hausse les épaules. Elle vient reposer les feuillets sur le bureau de son greffier.

- Hé bien, faites suivre Leclerc, allons !
- Vous avez ordonné de contrôler tout le courrier envoyé par le détenu madame la juge.
- Bien sûr, je veux voir ce qu’il dit aux différentes personnes à qui il écrit ! Et ce que ces personnes lui répondent.
- … …
- Mais là, vous voyez bien que c’est une histoire pour ses en-fants, non ? Vous croyez peut-être qu’elle est codée ? Les pauvres mômes ! Ils doivent bien assez souffrir. Leur mère morte et leur père en détention… Laissons-les encore rêver les malheureux. Ils sauront bien assez tôt que leur père est une ordure de la pire espèce.


A ce moment le commissaire frappe et glisse sa tête dans la porte entrouverte :

- Je peux ?
- Ah ! Tiens. Commissaire ! Si vous voulez jeter un œil sur la prose de notre principal suspect… Vous allez voir… C’est sûr ! on lui donnerait le Bon Dieu sans confession, à celui-là ! Dr Jekyl et Mister Hyde, vous connaissez ?


Le policier lit rapidement la lettre que la juge vient de lui tendre, en se gardant bien du moindre commentaire. Il y a bien longtemps qu’il a appris à ne pas l’affronter bille en tête lorsqu’elle se carre dans ses certitudes. Avancer, doucement, par petites touches.
Il profite d’autres formalités à accomplir au Tribunal pour venir dire quelques mots à la juge des nouvelles pistes venues fortuitement à leurs oreilles. Là aussi, par expérience, il sait que l’information va lentement faire son chemin dans les certitudes de la juge. Lorsqu’ils auront de nouveaux éléments, elle sera davantage prête à les écouter. Avec certains autres magistrats, il ne faut parler d’une information que lorsqu’elle a été vérifiée et corroborée par d’autres éléments. La mère Filipoint, elle, aime à s’associer aux méandres des raisonnements des enquêteurs. Et à y mettre bien souvent son grain de sel.
En quelques mots, il l’informe du nouveau « témoin » déniché presqu’accidentellement. Elle reste songeuse quelques minutes…

- Ouais… Attention à ne pas prendre une bulle de savon pour un ballon de foot ! Sinon, je ne sais pas ce que vous en concluez, Jason, mais, à mon avis, vous auriez tord de reporter des soupçons sur le jeune Vanneaux.
Vous me connaissez, je ne porte jamais de jugement à l’emporte pièce sur la personnalité des personnes mises en cause dans une affaire. Mais là, le soir du meurtre, j’ai longuement observé ce jeune homme pendant que votre jeune inspecteur était auprès de lui. Cet homme était vraiment en état de choc. Il n’aurait jamais pu jouer ainsi la comédie !
- Bien sûr… Et il faut dire aussi qu’il est fort joli garçon ! Et qu’on lui donne facilement le Bon Dieu sans confession !
- Jason ! (Elle rit…) Si je ne vous connaissais pas aussi bien, je pourrais me vexer de tels sous-entendus ! Mais je vous connais trop ! D’ailleurs, l’allusion ne tient pas. Bergonses est également fort bel homme, et (malheureusement) il doit aussi beaucoup plaire aux femmes. Mais il est un pervers de la pire espèce, l’autre au contraire semble aussi pur et innocent qu’un agneau qui vient de naître !
- … …
- Attendez…
- … … ?
- Je crois que cette dernière information mérite d’être fouillée très sérieusement, et cette personne… Vous dites ? … Annie Lasvalès ?... Oui, cette Lasvalès doit être très vite entendue. Je ne serais pas étonnée d’une certaine complicité. Qui expliquerait bien des choses… Comme la disparition de l’arme, entre autre.
- Vous imaginez Vanneaux et elle complices ?
- Non ! Pas Vanneaux ! Bergonses !
- Mais rien ne laisse penser qu’ils se connaissent ?
- Allons… Ce n’est pas à un vieux singe que je vais apprendre à faire des grimaces ! Bergonses sait que Vanneaux a beaucoup aimé cette femme. (Souvenez-vous, dans son « journal », c’est lui qui « console » l’abandonné). Le prévenu veut récupérer sa femme. Il retrouve la trace de l’ancienne compagne de son rival, la contacte et, d’une manière ou d’une autre parvient à la convaincre de relancer son ex. Il profite de son voyage à Paris pour la rencontrer, et la pousse à avoir une explication avec sa femme. Pourquoi pas, va avec elle à son domicile, pour faire prendre conscience à sa femme que celui qu’elle croit son fidèle compagnon n’hésite pas à la tromper avec une ex.
Ensuite, qu’il ait commandité le meurtre (Ça peut être une histoire de gros sous également !) ou que la discussion entre les deux femmes ait dégénéré… Ceci reste à déterminer.
- … … ??
- Quoi, vous semblez dubitatif ? Tout ça se tient, non ?
- C’est un scénario qui ne nous surprendrait, ni l’un, ni l’autre ! Nous avons connu plus machiavélique encore ! Mais pour le coup, je pense en premier à des circonstances plus simples. Une dispute entre deux rivales, par exemple.
- Bien entendu, vous avez raison… Quoique l’expression de la victime lors des premières constatations ne faisait pas penser à une dispute qui aurait mal tourné. Et, je dois l’avouer… Je serais déçue quelque part si Bergonses était innocenté ! Il a tellement fait souffrir cette malheureuse femme, de son vivant !
- Mmmm… Le capitaine Henri poursuit les investigations. Il a envoyé des hommes chez elle pour l’entendre. Je vous tiens au courant.

(Chapitre XVI)

3 commentaires:

Anonyme a dit…

bon ben c malin, maintenant que je me suis lancée je suis prise par le suspense et frustrée! Je veux savoir la suite moi! j'espère que tu ne vas pas tarder à la publier! bizarrement je n'ai pas réussie à lire ton roman sur papier. A mon premier essai j'ai été effrayée dès les premières pages par les similitudes avec notre histoire, et j'ai repoussée la lecture à un moment où je me sentirais prête et suffisamment neutre. Et ce moment est venu tout naturellement quand j'ai vu que tu re-publiait le texte "corrigé". La curiosité m'a fait jeter un oeil, et je me suis fait happée par l'histoire. Au lieu des similitudes que je craignais, je n'ai trouvée que des clins d'oeil que seuls nous, les frangins et moi peuvent comprendre et savoir où tu es allé puiser ton inspiration. Au final je me suis retrouvée à sourire plusieurs fois en me sentant privilégiée (ptite fierté enfantine) d'en comprendre plus que les autres sur comment s'est alimentée ton imagination, et parce que ton âme transpire à travers ces écrits et se mêle à la fiction, et que les "autres" ne pourront jamais capter ça vu qu'ils ne te connaissent pas comme je connais mon Papa!
Bisous mon Papounet, Je t'Aime!
k.

Boby a dit…

C'est malin !!
Tu as réussi à faire couler quelques larmes !
Je t'aime. Je vous aime tous les trois. Vous le savez. Les lecteurs doivent le deviner.
Bisous ! Bisous !
Il me tarde de vous serrer de nouveau dans mes bras.

Anonyme a dit…
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