jeudi 18 septembre 2008

L'affaire (5)

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Le commissaire Jason, accompagné du capitaine Henri, a fait entrer le mari dans son bureau en lui présentant ses sincères condoléances. Et en s’excusant de devoir l’importuner avec des questions dans ce telles circonstances. Mais la police souhaite faire au plus vite… Le mari semble réellement très choqué, très abattu. C’est dingue, dans cette histoire, les hommes semblent particulièrement affectés… Enormément affectés… Trop ?
Monsieur Bergonses redresse un peu son dos voûté. Il regarde le policier droit dans les yeux.

- Je vous en prie, vous faites votre travail… Mais pourquoi m’avoir fait conduire ici ? Je veux voir ma femme.
- Ce n’est pas possible, monsieur. Elle est actuellement examinée par les services de police…
- Vous voulez dire que vous faites pratiquer une autopsie ? Mais pourquoi ? Vos collègues m’ont dit qu’elle avait été tuée par une arme à feu !
- L’autopsie est obligatoire et systématique en cas de mort violente. Je comprends votre émotion. Nous ferons en sorte que vous puissiez la voir dès que possible…

Les collègues d’Orléans semblent en avoir dit le minimum. Conformément aux consignes. Et ce type ne fait allusion qu’à une mort violente. Il ignore les circonstances exactes. Ou affecte de les ignorer… Non, son regard est droit et franc. Mais le commissaire en a vu d’autres… Henri va enregistrer la déposition. Précisions sur l’emploi du temps de la personne. Sans plus. Ils verront ensuite.
Dans son for intérieur, le policier souhaite sincèrement que monsieur Bergonses ait un alibi en béton. Il n’a pas aimé le regard de prédateur de la juge lorsqu’elle a appris que l’homme était dans la région au moment du meurtre. Il la connaît bien. Un soupçon a germé dans son esprit, et elle ne laissera rien passer, tant qu’elle n’aura pas de suspect plus crédible… Or, une histoire de jalousie, de mari bafoué, jaloux et vengeur, c’est tellement facile… Et fréquent dans leurs dossiers…


Les choses se tiennent. L’ex mari semble en effet avoir des justifications claires et précises. Il a passé quelques jours de vacances à Mimizan avec son ex femme et son nouveau compagnon. Avec les enfants. Il semble que leur séparation soit assumée paisiblement, et il ne manifeste aucune animosité vis-à-vis de celui qui l’a remplacé dans le cœur et dans le lit de celle qui était encore son épouse…Il est remonté sur Paris par obligation professionnelle. Il a passé la journée chez un de ses clients. Avec beaucoup de témoins. Après un passage par ses bureaux, il a pris le train de 19 heures 15 pour Orléans où réside sa mère. Il n’est pas repassé chez lui à Evry. Le timing est serré. C’est matériellement impossible qu’il ait pu aller trucider sa femme puis rejoindre tranquillement la gare d’Austerlitz à temps… Ou alors, il aurait fallu que le crime soit prémédité et l’organisation tirée au cordeau… Or la scène du crime fait plutôt penser à un acte spontané sans préméditation… Quoique… Dans le domaine des mises en scène, il en a vu bien d’autres, le Patron… « On » ne se balade pas avec un gros calibre sans intention précise… Et il ne croit pas à un crime crapuleux. Trop tôt dans la soirée, pour que ce soit des cambrioleurs… Et ce sein mutilé… Un acte symbolique. Dont il lui faut trouver la signification…
N’empêche qu’ils n’ont aucune charge contre le « témoin ». Ils ne peuvent le retenir indéfiniment. Le capitaine le laisse rentrer chez lui, en lui demandant de se tenir à la disposition de la police jusqu’à nouvel ordre. Ses services le préviendront lorsque qu’il sera possible qu’il aille se recueillir auprès du corps de sa femme.
Le capitaine a quand même demandé à un de ses hommes d’effectuer une surveillance discrète du bonhomme… Simple précaution.



Ridicule. Bergonses s’est comporté comme un con. Qu’avait-il besoin de raconter des salades sur son emploi du temps ? Il devait bien se douter que ses services allaient tout vérifier !
Dès l’ouverture des bureaux le matin, ils ont pris contact avec le fameux client de l’ex… Et la vérité était bien plus simple. Ils ont été en réunion toute la matinée. A midi, le suspect a invité le PDG dans un restaurant des Champs Elysées… Et le repas s’est terminé vers 14 heures 30, au plus tard vers 15 heures… Et après ? Le trou. Le méga trou qui ne pouvait être rempli par un simple « passage » dans ses bureaux…
Le gars avait largement le temps de s’organiser, aller déposer ses bagages quelque part vers Austerlitz, louer un véhicule ou prendre le train pour Evry. Il savait qu’elle serait seule, son compagnon encore à Nantes, puisqu’ils s’étaient vus une dizaine de jours avant. Chercher une explication ou régler le sort de son épouse une fois pour toutes ? Et le problème de l’arme ? Ouais… Des questions encore. Mais pour la première fois dans cette affaire un scénario crédible…

L’inspecteur Henri appelle aussitôt son homme en planque près du domicile du témoin. En lui demandant de ramener fissa le bonhomme au commissariat…
Et cette fois, sans état d’âme, il va le mettre en garde à vue. En général, ça aide vite fait à retrouver la mémoire de vider ses poches et de se retrouver assis sur un banc derrière des barreaux… Ou derrière une vitre blindée, ici, dans leurs locaux ultra modernes… Henri informe le Commissaire. Jason semble très tendu.


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