- … …
- Vois-tu… Lorsque tu avais une aventure, je le savais. Et tu savais que je le savais… Et je savais que tu savais que je le savais… Bref, nous étions dans le non dit le plus complet…
- Ça, je m’en rendais compte aussi. Et j’en souffrais… Sans savoir comment casser ce mécanisme. Je ne me voyais pas rentrer à la maison et te dire « Tu sais chérie, je viens de me faire un petit mec, Mmmm… »… Je voulais te faire souffrir le moins possible…
- Ce n’est pas ça… Enfin, pas tout à fait, je vais y revenir… Ce que je voulais dire, c’est que je n’ai jamais été trompée par tes horaires à l’emporte-pièce… J’ai même envie de dire, « hélas ! »… Quand tu avais un rendez-vous professionnel, il était programmé, les choses étaient claires… Quand tu avais rendez-vous avec un mec, tu le disais… Enfin, tu le sous-entendais ; «Je rentrerai tard ce soir… »… Quand tu avais une rencontre fortuite, je le savais aussitôt, avant même que tu me dises bonsoir… Et ce n’était pas nécessairement les soirs où tu rentrais le plus tard. Mais quand je t’attendais en vain, quand tu rentrais n’importe quand, sans avoir prévenu de ton retard, quand c’était un copain, un collègue, un de tes collaborateurs que tu avais invité dans l’urgence au restaurant, ou même quand il t’était tombé dessus un pépin quelconque au boulot… Sans me prévenir. Sans t’excuser du retard… Ça revenait à me faire comprendre que j’étais le dernier de tes soucis, et ça, c’était insupportable…
- Non ! Tu ne peux pas avoir pensé ça !
- Mais si, Al, bien sûr…
- J’y crois pas… J’y crois pas… Tu voulais aussi dire autre chose… Tant qu’on y est ?…
- … ? Ah, oui… Tu ne me disais pas que tu avais rencontré quelqu’un. Mais je le savais. Parce que tu étais encore plein de lui. Plein du plaisir que tu venais de prendre. Je me suis parfois amusée à te provoquer, à t’aguicher… A jouer la louve en chasse… Enfin, à jouer… Je ne sais même plus… Peut-être bien aussi que j’étais réellement excitée à l’idée que tu revenais d’un corps à corps torride… Bref… Je te provoquais, et jamais, jamais tu ne t’es défilé… Comme si tu y mettais un point d’honneur… Comme si tu pensais qu’ainsi tu me donnais une preuve de ton amour… Et l’amour, tu me le faisais… Bien, comme tu sais le faire. Plutôt mieux même que d’habitude… Tu le sais bien, nous avons tous les deux des souvenirs de séances de pur délire, d’une sensualité à fleur de peau…
- Et ça aussi, tu me le reproches ?
- Non, Al, je ne te reproche rien… Là, c’est moi qui me faisais mal toute seule. Parce que je ne savais pas si tu me faisais si bien l’amour pour te faire pardonner, ou bien par obligation et par orgueil, ou bien parce que tu étais encore plein du souvenir de ton amant de passage, et que tu pensais encore à lui…
- Non ! Là tu….
- Arrête ! Je dis simplement que je ne pouvais pas penser comme une évidence que tu me désirais et me possédais parce que j’étais désirable et que tu avais envie de me prendre. Cette certitude qui rend les femmes belles… Le doute était là, Al ! C’est tout… Le doute était là… Point.
- Oh, Suzy ! Suzy ! Me dire tout ça, là, en vrac… Tu pensais donc que je ne t’aimais pas ?
- Allons, ne joue pas la mauvaise foi ! Il ne s’agit pas d’amour, là ! Mais de reconnaissance ! Bien sûr que tu m’aimais. Et je n’en doutais pas. Mais j’avais soif de reconnaissance… Comme toutes les femmes… Nous avons envie que vous remarquiez notre nouvelle coiffure, la nouvelle robe, le maquillage sensuel… Non par coquetterie, mais pour se sentir exister aux yeux de celui que l’on aime. Ça aussi, pour toi… Pas trop !
- Mais tu t’es toujours moqué des apparences ! Tu préférais nettement que je te soutienne dans tes combats militants, non ?
- Bien sûr… Et nous avons tellement de choses en commun sur ce plan ! Mais la reconnaissance, Al ! Exister dans les yeux de l’autre !
- Je l’ai cherché, je sais… Mais me jeter tout ça à la figure !
- Je ne te jette rien au visage, Al… Je veux que tu comprennes. Que tu comprennes ma décision… Je veux que notre relation repose désormais sur des bases saines…
- Oh ! Ta décision ! Elle est claire maintenant. Tu n’as plus besoin de me la dire…
- Al, écoute… Ecoute-moi… Cette nuit, j’ai beaucoup réfléchi. A tout ça. Je n’ai pas beaucoup dormi. Je te regardais, toi… Tu dormais, paisible, un sourire aux lèvres. Comme un petit enfant apaisé après avoir retrouvé son jouet préféré et qui s’est endormi avec sa peluche adorée à portée de la main…
- Quand même ! Là…
- Lorsque j’ai appris pour le cancer, c’est vers toi que je me suis retournée. J’avais besoin de ton amour, de ta force. De tes certitudes et de ta confiance dans la vie… De ton appétit de vie quasi carnassier… C’est avec toi que je voulais réfléchir… Comprendre, décider… Je n’ai pas pensé aux conséquences possibles. Pour nous. Pour nos couples… Enfin, je crois plus exactement que j’en acceptais le risque… Mais maintenant que tu m’as redonné la force d’y croire et de me battre… C’est Nicolas que je désire auprès de moi. Son attention de tous les instants. Sa disponibilité sans faille. Son amour simple, sans fioritures, sans complication… Ce même amour que tu me vouais au début de notre mariage… J’en ai besoin, là, maintenant… Et ce n’est plus toi qui peux me le donner…
- … … Tu me donnes une baffe phénoménale, et pourtant je sais que tu as raison… Je réalise un petit peu, là, à quel point j’ai fait notre malheur… Mais je t’aime Suzy. Je t’aime toujours. Ce que je disais hier au soir est toujours vrai… Je serai toujours auprès de toi quand tu me le demanderas… La baffe est salutaire… Je crois que je vais sérieusement lever le pied par rapport à mon job…
- Ce n’est pas pour moi que je le souhaite mon chéri. Ça, pour moi et ta présence auprès de moi dans les moments difficiles à venir, je le savais. Je l’ai toujours pensé. Mais c’est pour toi que je le souhaite. Pour toi et Dominique. Je pense que c’est un garçon rare que tu as rencontré. Ne le perds pas. Sois suffisamment disponible avant qu’il ne soit trop tard…
- Domi… Oui, Domi… Il était tellement loin de mes pensées ces dernières heures, le pauvre…
- Il t’aime, Al… Tu disais que pour Nico et moi ça se voyait comme le nez au milieu de la figure… Lui, Domi, il ne semble respirer que par, ou pour toi… Tu n’as pas le droit de le décevoir…
- … Dur, dur, de t’entendre dire ça…
- Viens, allez, rentrons… Les enfants sont seuls…
jeudi 28 août 2008
La vie continue... (4)
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