mercredi 18 juin 2008

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Nous restons un long moment silencieux. Sans doute chacun de nous est-il en train d’imaginer ce que pourrait être sa vie si notre couple venait à se briser. Pour ma part, j’essaye de garder une respiration paisible, mais mon cœur bat la chamade. Oui, j’ai peur de le perdre. C’est vrai. Jamais je n’avais ressenti une telle chose, avec une telle intensité, pendant que je vivais avec Suzy. Notre union était comme une évidence, naturelle. Et nous avions construit tout un monde. La maison, les enfants. Notre complicité semblait sans faille. Ce fut d’autant plus dur, c’est vrai. Mais j’ai comme le sentiment que rien n’est tout à fait brisé. Notre complicité perdure, sous une autre forme. Les enfants sont là. Et bien là. Notre couple garde une existence virtuelle, en quelque sorte.
Mais si Domi venait à me quitter, comme ça, brusquement sinon brutalement… Il ne resterait rien. Rien. Même pas des larmes pour pleurer, mon cœur serait totalement, effroyablement, desséché…
Il me regarde, me sourit, caresse d’un geste léger le contour de mes lèvres. Comme un hommage à l’oracle qui vient de parler ? Non… Quoiqu’il fasse chacun de ses gestes est amour… Il reprend :


- Je comprends bien tout ce que tu dis. J’y ai souvent réfléchi, je voudrais tant l’assimiler, l’intégrer. Mais toujours me revient cette notion d’amour absolu, où rien ni personne ne peut et ne doit faire ombrage à l’image de l’être aimé qui nous remplit…
- Oui, bien sûr, cette relation monolithique existe. Le temps d’une complète découverte de l’autre. C’est sans doute ce que nous vivons tous les deux depuis bientôt huit mois. Mais la passion sans faille, vivre en permanence des pulsions violentes, est insupportable. Aucun couple n’y résiste. C’est sans doute ce qui explique tant de ruptures dans la première année. On veut l’absolu, et on perd tout.
- Oui, j’en ai conscience. Et je pense que c’est encore plus fort pour les couples sans enfant, notamment gays, qui n’ont pas l’échappatoire, ou la contrainte, d’utiliser une partie de leur énergie dans l’éducation de leurs mômes…. C’est, probablement, un paramètre de la sempiternelle problématique de l’adoption par les couples unisexes… Avoir des enfants à soi, ou prendre le risque d’être un couple libre… Seulement, ton
raisonnement me fait peur également… Où est la limite entre la fidélité sclérosée, et le «tout et n’importe quoi» ?...
- En me baladant sur Internet, je me souviens d’être tombé sur le site d’une blogueuse qui parlait de «biodiversité amoureuse»… Quelque chose du genre : « La diversité amoureuse en refusant de s’approprier un être, se montre curieuse des autres, ne rejette pas un amour existant lorsqu’un autre apparaît, et s’avère par là une solution écologique »... Bon, je n’irais pas jusque là, d’autant que l’écologie élevée au rang de chapelle me fait plutôt grincer des dents, mais, pour répondre à ta question, la différence tient me semble-t-il en deux mots : respect et autonomie. Respect, c’est une évidence. A compléter par estime et confiance. Respect de la compagne ou du compagnon, respect de la personne rencontrée. Quant à l’autonomie… Tu sais combien j’ai été insistant pour que tu gardes tes marges de manœuvre lorsque nous avons parlé de vivre ensemble. La fidélité n’est, autrefois mais encore bien souvent à notre époque, que l’habillage des obligations de l’un envers l’autre. Dit autrement, j’ai envie que tu me reviennes parce que tu choisiras de me revenir. Surtout pas par pitié ou par lâcheté. Parce que « nous deux » représente encore quelque chose. Et surtout, surtout pas, parce que sinon tu ne saurais où dormir, ou que tu n’aurais plus de chaîne Hi Fi pour écouter tes disques préférés…
- Ouais, ça ce serait dramatique… Et aussi de partir sans avoir lu tous les bouquins de ta bibliothèque…



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