mercredi 28 mai 2008

.../...


Le bois de Saint Eutrope jouxte l’hippodrome. Le dimanche matin, c’est le rendez-vous des joggeurs. Et des chercheurs de champignons, à la saison. Et à certaines heures un lieu de rencontres… Bucoliques… Nous y allons tôt. En général nous ne voyons pas grand monde.
Il a fallu que je rencontre Dominique pour me mettre à courir comme ça, comme un dératé… Je n’aime pas le jogging pour le jogging. Je n’aime pas le jogging.

Je sais bien que le corps est un instrument comme les autres. Il doit être entretenu. Je ne sais que trop que sinon le temps se charge, à la vitesse dans «V» de le réduire en une masse informe, gros tas de gélatine et de poils grisonnants… Tiens, ce matin j’ai repéré un poil blanc dans l’élégante toison qui hésite entre mes pectoraux avant de plonger en une fine et gracieuse flèche vers mon nombril et au-delà vers ma fierté d’homme… J’ai réussi à l’arracher. Ça fait mal…
Je sais que je n’ai plus un splendide corps d’athlète comme celui que je serrais dans mes bras à l’étouffer hier au soir. Je sais, je ne sais que trop que l’écart entre Domi et moi ne cessera de grandir si je ne prends pas garde. Il le nie avec trop de violence pour ne pas en être lui-même intimement conscient.
Je sais que, quoi qu’en disent les intellectuels de haut vol, quelles que soient les dénégations forcenées et limite extrémistes des défenseurs du droit à la différence, être bien fait est un sésame pour une vie plus facile. Tout le monde peut bien le nier. Je sais qu’un physique agréable donne toujours un à priori favorable. Je trouve ceci injuste, certes, mais indiscutable. Je veille à ne pas me laisser piéger par ces mécanismes inconscients par exemple en phase de recrutement. Mais je suis bien obligé aussi d’en tenir compte un minimum en pensant aux clients chez qui ce collaborateur ou cette collaboratrice va intervenir. C’est dégueulasse. Je suis bien d’accord. Mais c’est.
Aurais-je seulement écouté Dominique sur le quai, ne l’aurais-je pas purement et simplement envoyé bouler, dans l’état où j’étais, si tous mes sens n’avaient été mis en éveil par son charme et un physique attachant ?
Suzy aurait-elle seulement prêté attention au compagnon de son collègue, apparemment « hors course », si ma simple vue ne l’avait pas, dès le premier abord interpellée ?
Aurais-je moi-même également été aussitôt branché, si elle avait banalement été un gentil petit tas sympathique ?
Nicolas aurait-il si vite emporté la mise, s’il avait été un petit chauve bedonnant ?
Dégueulasse ce que je dis. Je sais. Mais lucide.


Aucun commentaire: