mercredi 30 avril 2008

Sur un site de rencontres

Domi est grimpé sur le fauteuil. Accroupi, ses bras emprisonnant ses jambes nues contre sa poitrine, son menton reposant sur ses genoux, il est totalement absorbé par sa lecture. Plus ou moins habilement, quand nécessaire, il manipule la souris pour faire défiler le texte sur l’écran.
Il a juste enfilé un boxeur. Il est magnifique. La lecture pourrait durer des heures. Je ne me lasse pas de remplir mes yeux, mon esprit, mon âme, de l’image de ce jeune adulte dans la force de l’âge…


« Qui l’eut cru ... Je m’amusais à visualiser les arrivants successifs sur le salon général. J’attendais sans grand espoir que l’un d’eux réagisse à mon propre profil et m’envoie un message intrigant, original. Et je ne recevais, comme d’habitude que quelques mots crades, proposant des « plans Q » et recherchant des « Act cho » ...
Il n’y a que très peu de temps que je me balade sur ce site, je suis très néophyte, et je ne manque pas d’être intrigué par le langage codé utilisé par les internautes, ici peut-être plus qu’ailleurs. Une nouvelle fois, trois lettres au sens obscur me narguent dans une carte de visite : « lol ». Son auteur a une adorable petite frimousse de titi parisien, et sans trop savoir pourquoi, sans réfléchir, c’est lui qui devient le destinataire de mon premier message :

- Je voudrais m’endormir un peu moins idiot ce soir, peux-tu me dire le sens de ce « lol » que je vois mettre à toutes les sauces ?
(mon éternel besoin d’honnêteté et de franchise me fait joindre une photo où ma tronche, bien que souriante, dit clairement mon âge nettement supérieur au sien)

- Ça veut dire rire ! (c’est pas vrai, il m’a répondu ...)
- Origine ?
- Amérigo, « lot of laught », j’espère que tu comprends, lol
- Thanks, tu es adorable. –Ce ne sont pas des avances --
- Heureusement pq tu aurais pris un grand vent !

J’en conclue sans effort que, s’il a eu la politesse, la gentillesse ? la condescendance ? de me répondre, il vaudrait mieux que je me tienne pour dit qu’il ne faut pas mélanger les torchons usés et crasseux et les serviettes en damassé ... Je me résous donc à reprendre mon poste d’observation du salon général dans une vaine attente d’un dial plus prometteur.
A quelques jours de là, toujours à mon poste, essayant vainement de retenir les pseudos pour ne pas ré interroger plusieurs fois les mêmes, le petit tintement de l’arrivée d’un message me sort de ma torpeur ...

- Salut, tj là ? je vois souvent ton pseudo, t’attends quoi ?
- Rien de bien précis, je découvre un nouveau monde.
- J’y crois pas, t’es déb ?
- Dans un sens, oui, je n’avais jamais navigué sur internet. Pour le reste, rassure-toi, j’ai une grande et longue expérience !

Le long échange suivant ne présenterait guère d’intérêt s’il n’avait abouti à un rendez-vous dans un parc de notre ville. Après avoir éteint mon ordinateur, une véritable panique m’envahit. Que m’avait-il pris pour entrer dans un tel dial avec un jeune homme qui pourrait presque être mon fils ? Ce ne pouvait être sérieux, les tous premiers échanges en témoignaient, j’allais prendre un « grand vent », et sans doute même s’agissait-il d’un piège où je le trouverais peut-être, mais entouré de copains baraqués qui me feraient la fête !
Cette seule pensée suffit à remettre en selle ma détermination. Je n’avais jamais fui devant les risques, je n’allais pas commencer aujourd’hui ! Combien de fois étais-je resté seul sur les lieux de drague, lorsqu’une voiture avec plusieurs occupants à la mine plus ou moins patibulaire faisait fuir tous les autres habitués ? Sans doute protégé par ma stature somme toute impressionnante, je n’avais jamais eu à le regretter. Au pire, une discussion mouvementée assortie de menaces avait mis à mal mon calme apparent. Au mieux, une partie de sexe excitante avec des jeunes qui n’osaient sans doute pas venir seuls, et jouaient une « virée chez les PD » avec la bonne conscience de faire comme les autres avant de retrouver leurs copines respectives. ... En passant par des discussions de dédramatisation, en faisant passer le message du droit à la différence (en attendant le droit à l'indifférence
).

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