Je m’attachais donc à n’être que le deuxième grand frère. Quelques jours plus tard, une nouvelle longue et intime conversation nous absorbait. J’aurais pu me méfier. Ou, plus justement, me montrer davantage clairvoyant.
- Il y a un truc qui me gêne, Al, dans tout ce que tu me dis…
- Vas-y, je t’écoute ?
- Tu parles de couple libéré. Du besoin de chacun à avoir un « jardin secret ». Du respect de la vie privée et intime de chacun des deux par l’autre. De confiance, et du fait qu’il n’y a de tromperie que dans le mensonge.
Que l’amour a besoin de sexe, mais que le sexe n’implique pas obligatoirement l’amour… C’est ça ?
- Oui, je confirme. Je dis bien l’Amour avec un grand «A»… La difficulté vient, entre autre, que dans notre parler courant, baiser et aimer utilisent la même expression : «Faire l’amour »…. Mais je dis parfois que l’on ne fait pas l’amour. On le vit. Sinon, on «baise », on «nique », on «se vide les burnes »… Ou toute autre expression que tu veux…
- Ok… Et tu dis que toi, tu ne fais que baiser, que tu n’as jamais aimé, je dis bien, aimé, l’un de tes partenaires ?
- Pas depuis que je suis avec Suzy, non. Je n’ai jamais laissé l’amour s’installer. Parce que je ne crois pas vraiment au coup de foudre, tu sais. L’Amour, ça se construit. Et je n’ai jamais accepté de dépasser la pose de la première pierre…
Nous nous étions confortablement installés un peu à l’écart sur la dune, profitant béatement du soleil. Un peu plus bas, les deux femmes se font des confidences et rient aux éclats. Elles sont à plat ventre, le soutien-gorge détaché, pour faciliter le bronzage. Dans les vagues, Olivier joue avec les enfants. Il fait penser à un animateur, avec les cinq qui piaillent autour de lui…
- Ok, ok… J’ai bien compris… Et tu penses qu’aucun de tes partenaires n’a, lui, été amoureux de toi… Amoureux, vraiment mordu, quoi !
- Ça…
- Ça… Je réponds pour toi, Al… Ça, tu t’en fous. C’est son problème au mec n’est-ce pas ? Il peut crever la gueule dans le ruisseau le mec ! Du moment que toi tu as pu prendre ton pied ! Egoïste, Al, tu es un putain d’égoïste !
- Hé, tu ne vas pas m’engueuler, non ? Ouais, je sais, Nico. Ce n’est pas la première fois que je rencontre ce genre de raisonnement ! Un bon copain, un jour, m’a même violemment accusé d’avoir fait souffrir des dizaines et des dizaines de gugusses. Parce que c’était de ma faute aussi de plaire assez facilement !
Putain, Nico, toi aussi, avec ta belle petite gueule et ton splendide corps d’athlète, tu as dû en faire souffrir des dizaines et des dizaines de petites nanas. Et quelques femmes mariées, aussi, sans doute… Et peut-être bien également quelques mecs… Et tu serais responsable de ce qu’elles ou ils se fourrent dans le crâne ? Alors que le plus souvent tu en ignores les tenants et les aboutissants ?
- … …
- Je ne peux pas penser à la place de celui qui est en face de moi ! Je m’attache à être le plus honnête possible. Je n’ai jamais fait de promesse mensongère pour aboutir à mes fins. Quand l’aventure dépasse la vulgaire partie de jambe en l’air dans les bosquets d’un chemin creux (oui, ça marche comme ça aussi, tu le sais bien !), quand on dépasse le stade d’échanger nos prénoms, je pose toujours cartes sur table. Je suis marié et père de famille. L’autre le sait. Si nous allons au-delà, c’est à ses risques et périls. Pas aux miens !
- C’est à prendre ou à laisser… Un peu facile, non ?
- La vie est toujours dans le « à prendre ou à laisser ». Ou dans les choix difficiles, comme tu veux. Qui a dit «Choisir, c’est mourir un peu… » ?
- Gide, je crois…
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